L’annonce du début du mois de Ramadan 2013 – 1434 a été l’une des plus historiques de l’islam en France. Pour la première fois et à la surprise de tous, les mosquées et musulmans de la base n’ont pas suivi la décision du CFCM appelant à débuter le jeûne du mois de Ramadan le mardi 09 juillet. En effet, le Conseil Français du Culte Musulman avait adopté de manière unilatérale et sans concertation une résolution fixant la date du mois de Ramadan à l’avance uniquement par le biais des calculs astronomiques, une position aussi défendue par l’UOIF et finalement rejetée par la majorité des musulmans de France puisqu’ils ont débuté le jeûne le mercredi 10 juillet.
Face à ce désaveu s’en sont suivis mépris, insultes et mensonges de la part de ceux qui voulaient imposer le calcul : on a tenté de faire passer les jeûneurs du 10 juillet pour des suiveurs aveugles de l’Arabie Saoudite ou encore des musulmans arriérés n’acceptant pas le pseudo-progrès du calcul astronomique. Certains ont poussé le zèle jusqu’à prendre appui sur le témoignage inconditionnel d’un astrographe, sans égard aux prérequis juridiques musulmans en matière de détermination de l’entrée du mois de Ramadan et du témoignage en islam. Or il est essentiel de rappeler que l’islam nous demande de nous mettre au niveau des textes et non pas d’en violer les sens avec l’objectif inavoué de soutenir par tous les moyens une position quelconque.
En France la lune n’était pas visible le lundi 8 à l’œil nu ou via un instrument astronomique
Ces derniers jours, la photo d’un astrographe présentant le croissant lunaire le lundi 08 juillet à 7h14 TU aurait laissé sous-entendre que les musulmans auraient jeûné avec un jour de retard. Il n’en n’est rien, voici quelques éléments de réponse.
Tout d’abord, il convient de préciser qu’il y a divergence parmi les savants quant au nombre de témoins nécessaires ayant vu le croissant lunaire pour la détermination du mois de Ramadan. Certains fuqaha comme l’Imam Malik (rahimahouLLah) considèrent qu’ils doivent être deux au minimum, quant à l’Imam As-Shafi3i pour lui un seul témoin est suffisant. Quoi qu’il en soit, il doit s’agir de témoins répondant à certaines conditions dont celle d’être musulman. En d’autres termes, le témoignage de l’astrographe Thierry Legaut dans la détermination du mois de Ramadan et de la vision lunaire ne peut servir, à lui seul, d’argument.. Evidemment, les actes d’adoration en islam pour être valides sont conditionnés ; l’islam est une de ces conditions. Comment un non-musulman n’adhérant pas à l’obligation du jeûne en islam peut-il être le témoin d’une adoration s’adressant aux musulmans ?
Par ailleurs, la méthode employée par l’astrographe ne répond pas aux exigences émises par la fatwa du Conseil Européen de la Fatwa en 2009 concernant la prise en compte du calcul. Celle-ci stipule qu’une des conditions requise pour déterminer le début du mois même avec le calcul est que la vision de la lune à l’œil nu ou à l’aide d’un instrument astronomique doit être possible. Or, Thierry Legaut précise dans une interview qu’il était impossible de voir la lune même avec un instrument astronomique « Je ne l’ai pas vue mais photographiée. Il est impossible de le voir même avec un instrument astronomique, aussi près du soleil (qui est trop éblouissant). Seule la photo associée au traitement d’image permet de révéler sa présence à l’endroit calculé par les éphémérides astronomiques. Il faut donc que l’instrument astronomique soit pointé dans la bonne direction, non pas visuellement mais à l’aide d’une monture motorisée et informatisée sachant pointée et suivre un objet à partir de ces coordonnées célestes ».
Enfin, la fatwa du Conseil Européen de la Fatwa précise que, pour que la vision de la lune soit considérée possible, l’angle de séparation entre le soleil et la lune ne doit pas être inférieur à 8° ; or de son propre aveu Thierry Legaut indique avoir photographié le croissant lunaire avec une séparation du soleil de 4,6 °. C’est la raison pour laquelle lui-même précise avoir photographié le croissant et non pas l’avoir vu.
Pour conclure, il ressort de ce que nous venons d’exposer que la lune n’était en aucun cas visible en France mais aussi dans le monde musulman le lundi 8 juillet au moment du coucher du soleil. L’erreur du CFCM aura été de vouloir imposer à la majorité une méthode minoritaire basée sur le calcul astronomique permettant de savoir que le croissant est potentiellement observable sur le premier endroit du globe. De plus dans la monde musulman, cet avis est marginalisé (seul la Turquie s’y réfère). Or nul n’est censé ignoré que les musulmans de France sont en grande partie attachés de par leurs origines et leurs histoires à ces pays. Il eut été plus opportun de ne pas négliger les habitudes, les sensibilités de la communauté musulmane française dans son ensemble et non pas d’une partie constitutive de celle-ci sachant par ailleurs que la prise en compte de ces éléments fait partie des fondements de la législation musulmane et des grandes écoles de jurisprudence sunnites.