L’intention est le commencement de toute chose et les œuvres ne valent que par leurs intentions.[1] Chacun sera donc rétribué en fonction de celles-ci ; raison pour laquelle pour la même action, la récompense peut différer considérablement. Ainsi, la récompense[2] est relative à l’intention, c’est pourquoi les trois premiers hommes à entrer en enfer sont : un homme qui a mémorisé et enseigné la parole d’Allah, un autre qui a été tué dans Son sentier et enfin un homme qui avait beaucoup de biens qu’il donnait en aumône, tous trois agissant par ostentation qui constitue une forme d’association cachée (chirk khafi).[3] Celle-ci consiste à agir afin d’être vu ou entendu [4] et non en vue de plaire à Allah, de Lui obéir et de se conformer à Ses ordres. Ceci fait partie des formes d’association mineure (a-chirk al-asghar) qui peuvent pénétrer le cœur du croyant de manière subtile, c’est pourquoi elle a été comparée à la marche d’une fourmis sur un pierre sombre dans une nuit obscure.[5] Il s’agit ainsi de quelque chose qui n’est pas nécessairement si évident pour celui qui l’accomplit mais qui peut le conduire progressivement à sa perte puisqu’elle gangrène le culte exclusif que tout croyant sincère doit vouer à son Seigneur (tawhid). C’est la raison pour laquelle elle fait partie des dangers dont le musulman cherche à se préserver à tout prix, notamment à travers cette invocation :
» Seigneur je cherche refuge auprès de toi contre le fait de commettre des actes de chirk de manière consciente et je te demande pardon pour ce que je ferai [en ce sens] involontairement » (Ahmed)
En effet, l’association constitue la plus grande injustice qui soit, car elle consiste à donner des égaux à Allah, que ce soit à travers des sentiments[6] et/ou des actes Lui étant normalement voués à Lui seul. Le Coran contient de nombreux versets attestant de cela:
« Le chirk est certainement une immense injustice » (Luqman , 13)
« Ne Lui cherchez donc pas des égaux alors que vous savez » (al-Baqara, 22)
“ Pureté à Lui, Il est Très élevé au-dessus de ce qu’Ils Lui associent!” (Yunus, 18)
C’est pour cette raison que le chirk (majeur) est le seul péché qu’Allah ne pardonne pas, autrement, Il pardonne tous les autres péchés.[7]
» Certes Allah ne pardonne pas qu’on Lui donne des associés. A part cela, Il pardonne à qui Il veut » (a-Nissa’, 116)
Le chirk mineur fait partie des dangers contre lequel le Prophète nous a mis en garde : « Certes, ce dont j’ai le plus peur pour vous est le chirk mineur ». Les compagnons ont demandé : « Qu’est ce que le chirk mineur? » Le Prophète a répondu: « C’est l’ostentation, le jour du jugement lorsque Allah va juger les gens, il va dire à celui qui pratique cela: Partez vers ceux pour qui vous faisiez de l’ostentation dans la vie d’ici-bas et voyez si vous trouvez une récompense auprès d’eux ». (Ahmed)
C’est pourquoi le croyant sincère voue un culte exclusif à son Seigneur et n’œuvre qu’en vue de Son agrément et l’espoir de Sa récompense. Il ne cherche ni les éloges ici-bas, ni les remerciements, comme indiqué dans le verset :
« C’est pour le visage d’Allah que nous vous nourrissons : Nous ne voulons ni récompense ni remerciement mais nous craignons plutôt un Jour terrible et redoutable » (al-Insan, 9-10)
Le croyant espère retrouver ses bonnes actions auprès d’Allah le Jour dernier, raison pour laquelle il essaye d’y mettre la meilleure des intentions, car la sincérité est une condition sine qua non d’acceptation[8] de celles-ci.
“Certes Allah n’agrée que les œuvres qui Lui sont exclusivement vouées et à travers lesquelles l’on ne cherche qu’à Lui complaire » (a-Nasa’i)
Il ne s’agit donc pas uniquement d’œuvrer, mais d’œuvrer avec une intention noble. Il est donc important que celle-ci ne soit pas entachée d’autres intentions moins louables car Allah est parfaitement connaisseur de tout ce qui est apparent et caché, comme le changement d’intentions, aussi subtile soit-il. La sincérité doit donc précéder mais aussi accompagner l’action et la suivre, ce qui implique un effort continu de purification de l’intention car celle-ci change constamment, le cœur de l’homme étant en mouvement permanent. Il ne suffit donc pas seulement d’avoir de bonnes intentions en amont, il faut les conserver en les retravaillant régulièrement, plus encore lorsqu’il s’agit d’œuvres exposées aux regards car l’âme humaine tend à apprécier les éloges et à les rechercher. Le croyant doit donc en premier lieu lutter contre les propres penchants de son âme afin d’atteindre la sincérité. Ce travail implique de verticaliser son besoin de validation et de reconnaissance pour ne l’orienter que vers Allah et ancrer la certitude au plus profond de son cœur que seul Allah connaît la véritable valeur de chacun, par conséquent, seul Son jugement mérite réellement d’être au cœur de nos préoccupations.
Le croyant sincère s’efforce d’œuvrer pour la satisfaction de son Seigneur mais sa sincérité va être mise à l’épreuve, car Allah éprouve les croyants afin de les distinguer les uns des autres en fonction de leur mérite. Le croyant doit donc être attentif à ses intentions et veiller à l’état de son cœur, tout en continuant à œuvrer en public comme en secret tout au long de sa vie. Ces deux dimensions, verticale et horizontale, sont complémentaires et nécessaires à son salut. Il faut donc chercher un équilibre entre ces deux temps, intérieur et collectif, et régulièrement se questionner sur pourquoi nous faisons ce que nous faisons. Ce travail de réflexion et d’introspection est un aspect fondamental de la vie intérieure du cheminant qui aspire à se rapprocher d’Allah. Celui-ci est en plus tout-à-fait conscient que seul ce qu’il prépare sincèrement pour l’au-delà lui sera utile, tandis que ses efforts en vue de satisfaire les créatures ne sont que vains.
“Mais s’ils avaient donné à Allah des associés, alors, tout ce qu’ils auraient fait aurait certainement été vain” (al-An’am, 88)
En outre, l’être humain est ingrat de nature c’est pourquoi il est parfaitement inutile de chercher à obtenir une quelconque reconnaissance de sa part. D’ailleurs, c’est souvent les êtres auxquels nous avons le plus donnés qui se montrent les plus ingrats, comme l’indiquent ces vers :
« Je t’ai appris à tirer [à l’arc], et je suis la première personne que tu as visé »
« Crains le mal de celui envers qui tu as été bienfaisant »
Le croyant ne se fatigue donc pas inutilement à rechercher l’agrément des autres mais se préoccupe de savoir si Allah, le Seigneur des mondes, est satisfait de lui. Pour cela, il recourt régulièrement à l’introspection en se demandant des comptes, en examinant ses intentions et en sollicitant l’aide d’Allah contre le mal logé en lui-même.
“Quiconque, donc, espère rencontrer son Seigneur qu’ il fasse de bonnes actions et qu’ il n’ associe dans son adoration aucun autre à son Seigneur ». ( al-Kahf,110)
Aussi, les croyants qui sont les plus sincères dans leur relation de servitude envers Allah, sont ceux sur lesquels Iblis (le diable) n’a aucune emprise. Ils sont les serviteurs élus du Miséricordieux du fait qu’ils sont parvenus à éduquer et à dominer leurs âmes et ne sont animés que par ce qui Lui plaît. Ils n’oeuvrent donc qu’en vue de la recherche de Son agrément et rien ne peut les en détourner.
قَالَ رَبِّ بِمَا أَغْوَيْتَنِي لَأُزَيِّنَنَّ لَهُمْ فِي الْأَرْضِ وَلَأُغْوِيَنَّهُمْ أَجْمَعِينَ إِلَّا عِبَادَكَ مِنْهُمُ الْمُخْلَصِينَ
قَالَ هَذَا صِرَاطٌ عَلَيَّ مُسْتَقِيمٌ إِنَّ عِبَادِي لَيْسَ لَكَ عَلَيْهِمْ سُلْطَانٌ
(al-Hijr, 39-42)
Aussi, vont-ils chercher à se rapprocher d’Allah au travers d’efforts[9] et de sacrifices, le degré de sacrifice prouvant le degré de sincérité de la foi. C’est pour cette raison que l’épreuve du sacrifice du Prophète Ibrahim qui s’apprêtait à immoler son fils bien-aimé Ismaël est aujourd’hui encore érigé en exemple et célébré par tous les musulmans du monde chaque année.
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[1] Nous renvoyons ici au célèbre hadith » les œuvres ne valent que par leurs intentions et tous les hommes seront jugés en fonction de leurs intentions ». (Bukhary et Muslim).
[2] ou le châtiment
[3] L’ostentation dont il est question ici renvoie au perfectionnement des actes d’adoration ou du comportement constituant une forme de chirk mineur qui ne fait pas sortir son auteur de l’islam mais annule son acte. Dans ce cas, l’intention de plaire à Allah est mêlée à celle de plaire aux créatures et l’altère. En revanche si quelqu’un oeuvre uniquement par ostentation, sans foi en l’au-delà, il s’agirait dans ce cas de chirk majeur et de grande hypocrisie qui fait sortir son auteur de l’islam, annule ses actes -de bien- et le voue éternellement au feu.
[4] L’arabe distingue ces deux formes d’ostentation, la première (riya) consiste à être vu, tandis que la seconde (sum’a) à être entendu ou reconnu. Nous pouvons noter la différence entre Riya (du mot Rou’ya, la vue) et Sum’a (du mot Sam’3, entendre). Aimer être vu est donc al-Riya et aimer que les gens entendent parler de vous est la Sum’a.
[5] Ibn ‘Abbas a commenté le verset “ ne Lui cherchez donc pas des égaux, alors que vous savez” (al-Baqara, 22) en donnant ces exemples : “Je jure par Allah et par la vie d’untel ”, ou de dire “si ce n’était la chienne d’untel, les voleurs seraient venus », ou bien “c’est grâce à la présence de ses canards dans la maison que les voleurs ne sont pas venus chez nous », ainsi que de telles paroles “Si Allah le veut et toi tu veux”, “Grâce à Allah et à untel ». N’ajoutez donc pas « untel », toutes ces paroles comportent du polythéisme qui est un péché plus grave que certains grands péchés comme la fornication ou la consommation de produits enivrants.
[6] Comme l’amour, la crainte ou l’espoir.
[7] Certains péchés nécessitent un repentir spécifique comme c’est le cas des grands péchés. Ceci implique de cesser immédiatement de le pratiquer, de le regretter sincèrement et d’avoir la ferme intention de ne pas y revenir, le tout avant la fin des temps ou l’agonie de la mort. Si le péché concerne une autre personne, il faut également réparer le mal commis à son endroit., Le délaissement des péchés et leurs réparations, notamment ceux commis en secret, est une preuve de sincérité du serviteur.
[8] La sincérité est une condition sine qua non d’acceptation des œuvres ainsi que la conformité à la loi révélée au Prophète ().
[9] comme le perfectionnement des obligations, le respect scrupuleux des interdits mais aussi l’accomplissement d’œuvres surérogatoires en vue de se rapprocher d’Allah et d’obtenir Son amour.
Credits: S.A.
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