
Le 25 janvier dernier au soir, l’auto-proclamée « spécialiste du fait religieux » Dounia Bouzar était sur le plateau de Laurent Ruquier dans l’émission « On est pas couché ». Venue faire la promotion de son dernier livre « Désamorcer l’Islam radical. Ces dérives sectaires qui défigurent l’Islam », elle a été confrontée aux critiques des chroniqueurs hebdomadaires Natacha Polony et Aymeric Caron, émettant de nombreuses contre-vérités.
Un parcours consensuel
D’abord éducatrice, Dounia Bouzar, de son vrai nom Dominique Amina Bouzar, a fait des études d’anthropologie qui lui permettent de publier de nombreux articles, livres et essais dans divers médias.
Elle a été chargée d’études sur la laïcité à la Protection judiciaire de la jeunesse par le ministère de la Justice de 1991 à 2009, et a siégé au Conseil français du culte musulman (CFCM) de 2003 à 2005, duquel elle a depuis démissionné.
Convertie à l’Islam à l’âge de 27ans, elle a créé en 2009 avec sa fille Lylia, juriste, un cabinet spécialisé dans l’application de la laïcité et la gestion des convictions « Bouzar Expertises – cultes et cultures ».
Le 22 septembre 2013, le Premier ministre Jean-Marc Ayrault la nomme à l’Observatoire de la laïcité.
Des déclarations affligeantes
Devant Natacha Polony et Aymeric Caron apparemment à des années-lumière de la question de l’Islam en France, Dounia Bouzar s’est alors confondue en balbutiements et déclarations fallacieuses, qui n’ont pas manqué de choquer bon nombre de spectateurs et de décevoir ceux qui la suivaient depuis le début de son travail, de plus en plus orienté au fil du temps.
Si Polony ose affirmer que les signes religieux à l’école n’ont jamais existé et qu’ainsi il n’y ait pas lieu de contester la loi liberticide de 2004 interdisant le port de signes religieux à l’école publique (entendez par là, le hijab et autres musulmaneries étranges), Dounia Bouzar dément avoir affirmé qu’on a « eu tord d’interdire » le voile à l’école, mais explique qu’on devrait plutôt s’occuper « des garçons qui mettent la pression aux musulmanes » pour porter le foulard. La mélodie de la musulmane opprimée par l’homme musulman, devenue rengaine, n’est pourtant pas sans nous rappeler la propagande coloniale du 20ème siècle au Maghreb, où la femme musulmane était perçue comme l’indigène à sauver de l’arabe oppressant. Mais devant de telles affirmations, tout le monde acquiesce sur le plateau, d’un air entendu. Ambiance.
Tel un juge qui décernerait des bons points aux musulmans Républico-compatibles, Natacha Polony en profite pour calomnier le responsable du CCIF Marwan Muhammad (il serait radical…), et craindrait « que beaucoup de musulmans » refusent qu’on définisse à leur place l’identité française… Blague ? Non, juste une bonne dose d’européocentrisme. Marwan Muhammad avait simplement dit que personne ne pouvait obliger le musulman à se percevoir comme le français que beaucoup voudraient qu’il soit.
Pire, pourquoi attend-on de certains musulmans qu’ils émettent un jugement sur un homme qui n’est pas présent pour se défendre ? Au moins, sur cette question, Mme Bouzar remettra Polony à sa place en répondant qu’elle n’est pas là pour ça.
C’est justement cette volonté d’imposer au musulman ce que doit être pour lui son identité, tout comme sa religion ou ses convictions, qui pousse la communauté à ne plus rien attendre d’une certaine élite bourgeoise en France, se pensant encore dans un rapport dominant-dominé vis-à-vis du croyant ! Ceux-là même qui finiront par crier au communautarisme.
Son acolyte Caron osera dire à Dounia Bouzar qu’elle n’est pas une spécialiste de la religion, ce qu’elle démentira. Entre exégèse plus que personnelle et prêt-à-penser républicain, nous assistons atterrés aux propos d’une penseuse musulmane de plus à la sauce franco-laïque.
En effet, selon Mme Bouzar, le niqab n’est pas « quelque chose de musulman » : « On arrête pas de valider ces personnes-là comme simples musulmans alors que les radicaux sont sous emprise mentale. Ne pas serrer la main aux femmes n’a jamais existé dans l’Islam. »
Ainsi, les millions de femmes musulmanes dans le monde se couvrant le visage d’une manière ou d’une autre en adéquation avec leur foi, et ceci depuis des siècles, seraient légèrement aveugles et suivraient une pratique qui n’est « pas quelque chose de musulman ». C’est Cheikha Dounia qui l’a dit, non mais.
Peu importe les différentes écoles de jurisprudence, peu importe les différents savants, les différents avis d’individus ayant consacré parfois leur vie à l’ascétisme et à l’étude de la religion, peu importe les hadiths et les consensus, peu importe les cœurs de millions d’individus ! Des propos calomnieux dont les femmes musulmanes en niqab/sitar n’avaient nullement besoin, déjà interdites de voie publique.
D’après Dounia Bouzar, la force de la France est sa « laïcité », et « les musulmans français ont construit leur propre façon de comprendre la religion dans la laïcité ». Dans cette déclaration, l’anthropologue se substitue aux millions de musulmans français et fait de la laïcité la priorité de ces derniers, un fait qui tient plus du fantasme que de la réalité. Si Dounia Bouzar était vraiment proche du « terrain » comme elle aime à l’affirmer, elle saurait que la laïcité française dévoyée est plutôt un frein à la religion des musulmans du pays depuis 2004, et non pas un outil enrichissant.
Cette propagande allant à l’encontre d’une certaine catégorie de musulmans est semblable à celle que subissent depuis des décennies les femmes musulmanes, souvent accusées d’être les victime de lavages de cerveau et de ne pas être les actrices de leur foi. Victimes des autres, victimes de leurs. Nous espérons que Mme Bouzar se rendra bien vite compte de l’utilité qu’elle représente aux yeux de cette frange bien-pensante de la société, et qu’elle se ralliera à nouveau réellement aux droits des musulmanes.