Le jeudi 24 octobre, le tribunal administratif de Paris a examiné une requête sans précédent, déposée par des victimes du génocide des Tutsi au Rwanda, épaulées par deux associations. Cet appel judiciaire, une première dans le cadre de la justice administrative, vise à établir des responsabilités de l’État français dans son soutien à l’ancien régime rwandais, accusé de graves exactions durant la période 1990-1994.
Une première en justice administrative pour des responsabilités historiques
La plainte déposée, selon les informations rapportées par Le Monde, marque un tournant après plusieurs échecs devant les juridictions pénales. Les requérants souhaitent démontrer « un ensemble d’actes gravement fautifs et systématiquement illégaux » de la part de l’État français durant le conflit rwandais. Représentés par l’avocat Philippe Raphaël, ils accusent la France d’avoir maintenu un soutien continu à l’ancien régime hutu extrémiste, responsable selon l’ONU de l’extermination de plus de 800 000 personnes, en majorité des Tutsi.
Les accusations : une assistance militaire et diplomatique
Au cœur de l’accusation, les plaignants reprochent à la France de ne pas avoir suspendu son traité d’assistance militaire signé en 1975 avec le Rwanda, malgré les signes d’une dérive violente et génocidaire du régime rwandais de l’époque. En effet, plusieurs figures de haut rang sont nommément accusées, dont Hubert Védrine, ancien secrétaire général de l’Élysée, et l’amiral Jacques Lanxade, alors chef d’état-major des armées. Les requérants estiment que l’appui politique, militaire et diplomatique de la France a contribué à renforcer un régime militaire aux dépens du contrôle civil, créant un déséquilibre au sein du pouvoir.
L’ombre de l’opération Turquoise
L’opération « Turquoise », lancée par l’armée française en juin 1994, est également remise en cause par les plaignants. Cette mission, censée être humanitaire, est accusée d’avoir permis la fuite des responsables des massacres, notamment vers les pays voisins. En octobre 2023, la justice pénale française avait néanmoins classé l’affaire sans suite, faute de preuves d’une implication directe des forces françaises dans les massacres survenus, par exemple, à Bisesero. Toutefois, les parties civiles ont fait appel de cette décision, et la cour d’appel de Paris doit trancher cette question le 11 décembre prochain.
Le rapport Duclert : des conclusions accablantes mais sans complicité directe
Les plaignants s’appuient en partie sur les conclusions du rapport de la commission d’historiens menée par Vincent Duclert, publié en 2021. Ce rapport souligne la « responsabilité lourde et accablante » de la France, bien qu’il n’aille pas jusqu’à établir une complicité directe avec le génocide. Pour les requérants, ces conclusions témoignent d’une implication active de la France dans les événements tragiques, même si elle n’a pas directement participé aux massacres.
Le génocide des Tutsi : un drame humanitaire et l’inaction internationale
Entre avril et juillet 1994, le Rwanda fut marqué par un génocide sanglant, orchestré par le gouvernement hutu, qui a pris pour cible la minorité tutsi ainsi que les Hutus modérés opposés au régime en place. Plus de 800 000 personnes ont été tuées en quelques mois, sous le regard d’une communauté internationale largement passive, malgré les multiples signaux d’alerte. La justice reste un enjeu fondamental pour les victimes, longtemps ignorées, qui aspirent aujourd’hui à la reconnaissance et à la mise en lumière des responsabilités d’État dans ces violences.
Cette impuissance de la communauté internationale à intervenir rappelle de manière frappante la situation actuelle à Gaza, où un génocide se déroule sous les yeux du monde. La réponse mondiale reste divisée et largement insuffisante pour protéger les populations vulnérables. À travers ce parallèle, il devient évident que la communauté internationale, malgré les leçons de l’histoire, continue de faire face aux mêmes dilemmes, et que les appels à la justice et à la responsabilité restent plus que jamais d’actualité pour éviter que de telles tragédies ne se répètent.