L’incendie ravageur de l’Eglise Notre-Dame le 15 avril 2019 a profondément ému la population française, et au-delà des frontières françaises, le monde entier. Cette bâtisse millénaire est en effet un des joyaux de l’architecture chrétienne en France et un véritable symbole et témoin du passé chrétien du pays. Elle est visitée chaque année par plus de 13 millions de touristes, ce qui n’en fait ni plus ni moins que le bâtiment historique le plus visité d’Europe. Le président lui-même s’est exprimé, et toutes les représentants politiques sont sortis de leur mutisme et de la crise des gilets jaunes pour l’occasion.
Les musulmans eux aussi se sont exprimés. Notamment, fait rare, par la publication d’un communiqué de l’Union des Mosquées de France chez nos confrères d’Oumma.com qui invite les musulmans à contribuer à la reconstruction de l’édifice. D’autres unions suivront sans doute, pour exprimer au moins le soutien de la communauté musulmane aux communautés chrétiennes dans cette épreuve, et au-delà répéter l’appartenance forte des musulmans à la communauté nationale.
L’argent ne manquera pas. D’ores et déjà les familles Pinault et Arnault ont respectivement promis 100 millions et 200 millions d’euros pour financer les travaux. Et une vaste campagne de mobilisation nationale sera lancée dès ce week-end.
Mais plus que les questions d’argent ou de dégâts matériels, derrière cette incendie tout le monde voit, veut voir, ou attend sans l’exprimer, des symboles.
Le premier symbole, que les musulmans appréhendent tous, et que certains islamophobes souhaitent haut et fort, serait le symbole d’une chrétienté attaquée dans sa chair
Un élu de Neuilly s’exprimant sur Fox News refuse ainsi de voir un accident dans ce drame. Et se fait recadrer par le présentateur de cette chaîne (pourtant loin d’être connue pour ses positions islamophiles) car ce raccourci est évidemment extrêmement dangereux. L’enquête est en cours, et les premières conclusions parlent déjà d’un incendie involontaire. Espérons que cela soit confirmé.
Mais que peut-on dire déjà à ce stade sur la relation entre musulmans et anciennes églises?
Nous devons répéter haut et fort que près de la moitié des plus anciennes églises au monde sont en terre d’islam (dont une en Arabie Saoudite!).
L’Islam appelle au bon comportement envers toutes les religions, mais plus particulièrement envers la religion chrétienne. Les qualités des chrétiens, malgré leur égarement dogmatique, est rappelé dans le Coran a maintes reprises et notamment dans ce verset : « Tu trouveras, certes, que les plus proches de ceux qui ont cru [les musulmans] par l’amitié sont ceux qui disent : “Nous sommes chrétiens”, et cela parce qu’il y a, parmi eux, des prêtres et des moines et parce qu’ils ne sont pas orgueilleux » (5, 82).
Il est également dit: « Nous [Allâh] lui [Jésus] avons donné l’Evangile. Nous avons mis dans les cœurs de ceux qui le suivent compassion et miséricorde, ainsi que du monachisme » (57, 27)
Chrétiens et musulmans ont très longtemps vécu côte à côte , sans haine, sans phobie de l’autre, et dans la construction commune d’une société juste.
Bien que les mouvements géopolitiques récents invitent les communautés et religions à se faire concurrence et s’affronter au lieu de dialoguer.
Passons donc au deuxième symbole:
le symbole de la chrétienté en proie aux flammes.
Avouons-le, si en tant que musulmans nous observions, incapables, l’incendie d’une mosquée historique et centrale en Islam – et nous souhaitons de tout coeur évidemment ne pas avoir à souffrir de cela -, nous chercherions, au-delà des culpabilités, un symbole. Le symbole d’une punition divine car nous n’avons pas honoré comme il se doit nos lieux de culte, et pratiqué notre religion comme elle nous a été instruite. Invariablement, les catastrophes ravageuses en terre d’islam comme les tsunamis et tremblements de terre sont interprétés comme un châtiment divin et il est parfaitement compréhensible que d’autres communautés religieuses voient cela sous cet angle.
Mais ce qui ne serait pas compréhensible par contre, serait de voir des musulmans se réjouir de cet incendie. Quelle que soit notre position dogmatique face aux chrétiens (et certes notre dogme nous appelle à rejeter catégoriquement la trinité par exemple) il n’est pas acceptable de se réjouir d’un quelconque malheur qui les touche car le bon musulman souhaite le bien à toute la Création, et en particulier le bien suprême de la guidée vers Allah.
Nous parlions des murs des églises et cathédrales dans un édito il y a quelques temps: les musulmans doivent réfléchir à ces signes, à ces cathédrales et églises réduites souvent à leur statut de monument touristique, car sans notre attachement cinq fois par jour à nos mosquées, nos bâtiments à nous serons condamnés à la même fin.
Le troisième et dernier symbole vu et commenté dans les médias est:
le symbole de Paris en proie aux flammes.
Oui la capitale française a souffert, beaucoup, trop, dans les dernières années. Mais elle a de la résilience et se relève de façon exemplaire. Et ce symbole de Paris qui brûle et qui se reconstruit dès le lendemain est un beau message. Les promesses de dons affluent de toutes parts et tout le monde est déjà prêt à se relancer dans les travaux de reconstruction. Le Président lui-même en a pris l’engagement le jour-même.
Ce message fort est un message universel: il faut en permanence se relever de ses difficultés et affronter avec beaucoup d’optimisme et de pragmatisme l’avenir. A l’heure ou nous parlons de nombreux pays tout entiers se réveillent dans la douleur de longues années de guerre ou de dictature. Certains, pessismistes et résignés, répètent à souhait que de nouveaux systèmes comparables se remettront très vite en place et exploiterons les nations. Souhaitons quant à nous que toutes les forces vives joignent leurs coeurs et leurs efforts en pleine confiance envers leur Créateur pour aider à reconstruire tout de suite ces nations dévastées et jeter ce pessimisme aux oubliettes.