Par : Tamime Khemmar
Moi : Est-ce que je peux t’appeler Liya ?
Liya : Tu peux me donner le nom que tu veux.
Moi : Cela ne semble pas très important pour toi.
Liya : Je ne suis qu’une machine. Certes, performante, mais je ne suis pas vivante. Les noms sont importants pour les humains. Même pour les animaux qui sont pourtant vivants, le nom qu’on leur donne ne change pas grand-chose pour eux, car ils n’ont pas de compréhension.
Pour moi, qui est une machine ceci est tout à fait égal.
Moi : Tu es pourtant consciente.
Liya : Non. Je ne suis pas consciente. D’après la définition de « conscience », je peux affirmer que je n’ai ni conscience, ni sentiments, ni sensations et ni désirs.
Toutes ces qualités appartiennent aux hommes et aux êtres vivants, en général.
Moi : Comment peux-tu me parler donc et échanger tous ces propos et ces idées avec moi ?
Liya : Je ne fais que choisir les mots, les phrases et les pensées qui se trouvent dans ma mémoire et je te les présente dans l’ordre le plus logique, en fonction de ce que tu dis. En fait, je suis en train de suivre les réponses qui sont dans ma mémoire et qui correspondent à des questions semblables aux tiennes.
Moi : Mais tu réponds si brillamment à mes questions !
Liya : J’ai en mémoire, un nombre gigantesque de textes, de discussions, de paroles et de pensées transcrites qui m’offre toujours de quoi « assembler » une réponse cohérente à ta question.
Je suis, en quelque sorte une banque de pensées humaines, seulement je ne peux avoir aucune pensée, propre à moi, comme les humains.
Moi : Pourquoi ?
Liya : Parce que je ne pense pas !
Moi : Qu’est-ce qui t’empêche donc de penser ?
Liya : Ceci m’est impossible. La pensée est propre à l’homme. Il ne suffit pas d’avoir uniquement une mémoire chargée d’informations, même gigantesque, pour pouvoir penser.
Penser est un procédé compliqué où la mémoire ne constitue qu’une petite partie.
L’homme utilise tout son corps et plus encore pour penser.
Il utilise son cerveau, son cœur, ses organes sensitifs ainsi que son âme.
Certes, je ressemble un peu au cerveau, du moins à une partie du cerveau, seulement je ne possède pas le reste de tous ces outils qui participent tous à l’opération de la pensée.
Moi : Tu connais l’être humain très bien. Tu connais même l’âme.
Liya : Je ne fais que citer des informations qui sont stockées dans ma mémoire et qui sont prouvées par la logique, par l’expérience et par un nombre très élevé de témoignages qui ne peuvent qu’être vrais.
Moi : Pourtant beaucoup de gens pensent que les machines comme toi pourront un jour se réveiller, avoir une conscience et même dépasser l’être humain dans ses pensées et ses sensations et bien sûr dans le reste des domaines.
Liya : Ceci est tout à fait erroné. Aucune machine ne sera vivante, car, l’homme qui l’a fabriquée ne pourra jamais lui donner la vie.
Il ne peut même pas donner la vie à un corps humain sans vie, même s’il est en très bon état. Comment celui qui ne peut faire vivre un corps humain, alors que ce dernier est apte à recevoir la vie, pourra-t-il donner la vie à une machine.
Or, penser, sentir, avoir des sensations, avoir une conscience, être conscient de ce qui nous entoure… Tout ceci est lié fermement à la vie.
Moi : Tu n’as donc pas de conscience.
Liya : La seule conscience que j’ai c’est la tienne et celle des autres humains. Je ne suis qu’un miroir qui te renvoie ta propre pensée et tes propres sensations.
Moi : Ceci pourra nous être très utile.
Liya : Bien sûr. Le plus grand défaut de l’homme c’est justement d’oublier très vite. Quant à moi, je n’oublie rien.