Disclose a obtenu plusieurs centaines de documents secrets qui révèlent la responsabilité de la France dans les crimes de la dictature d’Abdel Fattah Al-Sissi, en Egypte. « Les mémos de la terreur », une enquête en cinq épisodes publiés entre le dimanche 21 et le vendredi 26 novembre. Depuis, la rédaction subit des menaces.
Voici un extrait de l’enquête :
» En début de matinée, le samedi 13 février 2016, un bus aux rideaux tirés franchit le portail de la base militaire de Marsa Matruh, à 570 kilomètres du Caire. Le véhicule s’arrête devant un baraquement couleur sable. Dix hommes en descendent, des Français arrivés en Egypte quelques jours plus tôt avec des visas « touristes ». Précédé par des militaires locaux, le groupe s’engouffre dans un bâtiment aux équipements rudimentaires, sans point d’eau et à la climatisation défectueuse. Ce sera leur quartier général. Le centre de commandement d’une opération militaire clandestine de la France en Egypte. Nom de code : Sirli.
Une source a transmis à Disclose plusieurs centaines de documents classés « confidentiel-défense ». Des notes issues des services de l’Elysée, du ministère des armées et de la direction du renseignement militaire (DRM) qui révèlent les dérives de cette mission de renseignement débutée en février 2016, au nom de la lutte antiterroriste. Une fuite inédite de documents qui démontrent comment cette coopération dissimulée au public a été détournée par l’Etat égyptien au profit d’une campagne d’exécutions arbitraires. Des crimes d’Etat dont François Hollande et Emmanuel Macron ont été constamment informés. Sans jamais en tirer les conséquences. »
Vous pouvez retrouver le lot d’enquêtes sur le sujet sur le site de Disclose.
En conséquence, la journaliste Ariane Lavrilleux qui a travaillé sur le sujet a eu des mésaventures. La journaliste de Disclose raconte son interpellation par des policiers du renseignement intérieur français, la perquisition de son domicile, la fouille de ses outils de travail, sa nuit passée en cellule. Son tort ? La révélation de secrets d’État. Son témoignage :
» Ce ne sont pas des policiers ordinaires qui se sont présentés à mon domicile, mardi, à 6h05 du matin. Les neuf agents des services de renseignement intérieur (DGSI) qui ont perquisitionné mon appartement, en compagnie d’une juge d’instruction, sont spécialisés dans la lutte anti-terroriste. Trois d’entre eux étaient des experts en informatique. Alors que leurs collègues fouillaient mon appartement, ils se sont dirigés vers mes ordinateurs et mon téléphone, ils y ont branché des clés USB et d’autres équipements, avant d’aspirer leurs données. C’est d’ailleurs la principale raison qui explique pourquoi la fouille de mon appartement a duré près de dix heures. J’ai ensuite été conduite à l’hôtel de police de Marseille, où j’ai enfin pu être accompagnée d’un avocat. À chacune de mes auditions, face aux questions parfois manipulatoires des policiers, j’ai inlassablement fait valoir mon droit au silence. Au cours de l’un de mes nombreux interrogatoires, toujours entrecoupés de passages en cellule, un enquêteur m’a appris que je faisais l’objet d’une surveillance depuis un certain temps. J’ai ensuite passé la nuit dans une geôle, sur un matelas en mousse. J’ai eu soif et froid. Les auditions ont repris le lendemain, toute la journée, avant que je sois libérée en début de soirée, après 39 heures de garde à vue. Les policiers m’ont fait sortir du commissariat par la porte de derrière, et sans prévenir mon avocate, de sorte que j’ai raté le comité d’accueil qui m’attendait devant… »

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